Du président: Leçons d'un grand médecin de famille
Image: Président de WONCA avec des membres de la famille d'Ian McWhinney, de
jeunes médecins de famille de l'université de Western Ontario et Dr
Francine Lemire, directrice générale du Collège des Médecins de Famille
du Canada
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Ian McWhinney était un médecin de famille du Royaume-Uni, émigré au Canada en 1967 pour établir le Département de Médecine Familiale à l'Université de Western Ontario. Ian a influencé les carrières et les attitudes des médecins de famille dans beaucoup de régions du monde, et il fut l'un des pionniers du développement de la base universitaire de notre discipline professionnelle. Ian est décédé en 2012 à l'âge de 85 ans.
Image : Dr Ian McWhinney OC (1926-2012)
En septembre, j'ai été invité à présenter le discours inaugural dédié à Ian McWhinney à l'Université de Western Ontario.
Comme beaucoup d’autres en médecine familiale autour du monde, j'ai connu et admiré Ian à distance, à travers ses écrits influents et grâce au privilège d'avoir été présent dans l’auditoire lors de son discours à une conférence de WONCA.
Ma propre introduction aux travaux d'Ian eut lieu en 1988, peu de temps après mon entrée au Département de Médecine Générale et de Médecine Communautaire à l'Université Monash de Melbourne, en Australie, comme jeune universitaire en médecine familiale. L'année suivante, mon supérieur, le professeur Neil Carson, autre pionnier en médecine familiale universitaire, me remit un livre qui lui avait été envoyé par un éditeur pour révision afin d’en déterminer la pertinence pour l’enseignement de nos étudiants en médecine. Neil m'a demandé de lire ce livre et de lui faire connaître mon opinion. Il s’agissait de la première édition du désormais célèbre Manuel de Médecine Familiale par Ian McWhinney.
Image : Président de WONCA auprès des jeunes médecins de famille en Ontario rural, Canada
Le premier chapitre était consacré aux Origines de la Médecine Familiale et la brève histoire de notre discipline racontée par Ian me parut très intéressante. Cependant, ce fut le chapitre suivant, au sujet des Principes de Médecine Familiale, qui me donnèrent un nouveau regard sur la carrière que j’avais choisie. Les neuf principes de médecine familiale décrits par Ian articulaient en termes clairs le travail que nous effectuons en tant que médecins de famille, quel que soit l’endroit au monde où nous vivons et travaillons. J'ai partagé ces neuf principes avec beaucoup de groupes d'étudiants en médecine et de résidents de médecine familiale au fil des années.
Les voici :
1. “Family physicians are committed to the person rather than to a particular body of knowledge, group of diseases, or special technique”. Dans cette phrase simple, Ian a capturé l'humanité du travail que nous effectuons et notre engagement aux soins centrés sur la personne, bien avant que cette expression ne devienne à la mode.
2. Le médecin de famille cherche à comprendre le contexte de la maladie. Ian nous a demandé de prendre en compte l’impact de l’expérience de la maladie sur chaque individu, ceci faisant partie de notre travail centré sur la personne.
3. Le médecin de famille voit chaque contact avec ses patients comme une occasion de prévenir la maladie ou de promouvoir la santé. La prévention a été négligée ces dernières années dans certaines régions du monde, mais reprend de l’importance du fait de la compréhension de l'impact global des maladies prétendument non-communicables et de l'importance de la prévention et de la promotion de la santé en évitant ou en retardant le début des maladies cardiaques, du diabète, de beaucoup de cancers et d'autres conditions chroniques.
Image : Dr Jo-Anne Hammond, médecin de famille au Centre de Santé de Londres, Londres, Ontario, Canada
4. Le médecin de famille voit sa clientèle comme « population à risque ». J'aime ce principe parce qu'il capture le travail que nous faisons au niveau des soins primaires pour améliorer la santé publique. Chacun de nous a l'occasion d'observer les maladies qui affectent nos patients et cherche des solutions afin de réduire toujours davantage la morbidité et la mortalité.
5. Le médecin de famille se voit lui-même ou elle-même comme élément d'un réseau à l'échelle communautaire des agences de soutien et de services de santé. Dans certaines régions du monde, les rôles en matière de soins dispensés en équipe, de protection et de recommandation des médecins de famille, sont vus comme une découverte récente, mais ils font bien évidemment partie de notre riche tradition.
6. Dans le meilleur des cas, le médecin de famille devrait partager le même environnement que ses patients. Ceci est mon concept préféré bien qu’il ressemble à une idée du style de David Attenborough mais il est tout à fait correct. Ian croyait qu’il est impossible de vraiment comprendre les besoins de santé et les soucis d'une communauté sans en faire partie soi-même. L’appartenance à la communauté nous permet de comprendre le contexte de la vie de nos patients et de leurs difficultés'.
7. Le médecin de famille voit des patients à domicile. Encore un aspect très important de notre travail qui nous confère un privilège extraordinaire et l'occasion de mieux comprendre le contexte de la vie de nos patients et les défis auxquels ils se confrontent chaque jour. Bien que les visites à domicile soient devenues moins courantes dans certaines régions du monde, elles ont réapparu par le développement des équipes de santé familiale dans quelques pays, et même par les services de télésanté, qui nous permettent au moins d'avoir un aperçu de nos patients dans leur propre environnement.
8. Le médecin de famille attache de l'importance aux aspects subjectifs de la médecine. Encore une des leçons importantes que nous apprenons comme médecins de famille. Faites confiance à vos instincts. Écoutez vos patients. Et écoutez particulièrement les personnes qui s’occupent de vos patients. N'ignorez jamais les soucis d'un parent concernant son enfant en bas âge. Ou les soucis d'un enfant en ce qui concerne un parent âgé.
Image : Dr Vikram Dalal, médecin de famille rural au centre de santé familiale de Thames Valley, Mount Brydges, Ontario, Canada
9. Le médecin de famille est un gestionnaire de ressources. Au début, je pensais que ce principe final était un peu aride, mais je réalise maintenant qu'il s’agit de l’une des contributions principales des médecins de famille aux nations. Par la limite judicieuse d’examens coûteux et par la gestion appropriée des ordonnances vers d'autres cliniciens et services, nous nous assurons que nos nations ont les finances disponibles pour donner à tous accès à la santé plutôt qu’à un seul sous-groupe privilégié.
Ces neuf principes d’apparence simple encapsulent notre rôle et notre contribution comme médecins de famille. Pour moi, ils constituent une partie de l’héritage considérable laissé par Ian, sa capacité à décrire avec une telle clarté le travail important que nous effectuons.
Quelques jours plus tard, mon supérieur, Neil Carson, me demanda ce que j'avais pensé du livre. Je lui dis que nous devrions l'utiliser pour l’enseignement. Il répondit qu'il y réfléchirait. Il demanda alors s'il pouvait récupérer le livre. Je le lui refusai et dis que je le gardais. Il comprit le message.
Comme médecins de famille, nous avons une dette envers nos professeurs, nos collègues médecins de famille, comme Ian, qui nous ont enseigné la pratique de la médecine dans nos communautés en employant une combinaison « de connaissance scientifique et de soins individualisés».
Michael Kidd
Président de WONCA
Article traduit de l’anglais par Josette Liebeck
Traductrice accréditée NAATI No 75800
Voir le texte complet du discours du Président en anglais